Miss camping
Un nombre certain d’années de scoutisme à mon actif, je pensais tout savoir des nuits sous la tente. C’était bien mal connaître la survie en milieu campeur. Oui, vous avez bien lu milieu, car c’est tout un écosystème qui régit la réception, la supérette, les emplacements, les sanitaires. Les sanitaires. Je déglutis avec difficulté. Pire, le bloc sanitaire. Mon échine se glace.
Les premières étapes du tour de Corse que nous avons entrepris et les 38 degrés qui accablent la région depuis des jours ne me permettent pas d’échapper à la douche. Les lingettes ont montré leurs limites, l’importante teneur en chlorure de sodium de la Méditerranée ne souffre pas que l’on y improvise une toilette.
Je prends donc la direction des sanitaires, mes affaires sous le bras. Après un rapide coup d’œil et un haut-le-cœur devant les toilettes à la turque, je choisis ma douche. Commence alors mon calvaire. Pour me prémunir de la contamination des mycoses, herpès et autres dartres, je développe un protocole pour la sauvegarde de mon très cher corps.
C’est incroyable les réserves insoupçonnées d’astuces que l’on se découvre alors. La serviette ne doit pas toucher les murs, la peau ne doit pas effleurer le carrelage, les vêtements ne doivent pas toucher le sol, les pieds ne doivent pas dépasser des tongs, la tong ne doit pas se poser sur la touffe de follicules pileux de mon prédécesseur qui s’agrippe opiniâtrement à la bonde.
Quelques minutes plus tard, l’estomac au bord des lèvres mais le cœur léger, je ressors et reprends le chemin de la tente, avec la satisfaction du devoir accompli.
De l’autre côté de la haie, Jacky fait racornir ses chipo sur une grille noircie par la graisse brûlée. Il a invité ses collègues de l’emplacement 27. Torses nus, ils ont pour seul rempart d’intimité le fil à linge où sèche un chapelet de moule-bite.
Dans le camping règne un parfum bucolique. Le camping, cet endroit unique au monde où l’on peut, sans que cela ne choque personne, musarder en pyjama, un rouleau de Lotus Ultra Doux à la main.